Le navire Open Arms : 121 personnes à la dérive (10/08/2019)

Communiqué d'Amnesty International

Voici une semaine que des hommes et des femmes - dont une trentaine d’enfants et deux bébés - sont bloqués en mer par une chaleur accablante. Pendant ce temps-là, les autorités espagnoles, italiennes et maltaises se livrent à un bras de fer avec l’ONG humanitaire Proactiva.

La solidarité criminalisée

Ce bras de fer intervient alors que le Parlement italien vient d’adopter le deuxième « décret sur la sécurité » présenté par le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini. Ce nouveau texte, appelé « Decreto Sicurezza bis », prévoit que les navires de secours en mer privés, qui entrent dans les eaux territoriales italiennes sans autorisation, peuvent se voir infliger une amende allant jusqu’à un million d’euros et être placés sous séquestre.

Il s’agit du dernier exemple en date de navire ayant secouru des personnes en Méditerranée centrale qui se retrouve bloqué et qui n’est pas autorisé à accoster dans le port sûr le plus proche. Le HCR et des rapporteurs spéciaux des Nations unies ont critiqué ces nouvelles mesures qui risquent de dissuader davantage encore les capitaines de navire de secourir des personnes alors que les États refusent dans une très large mesure de participer aux opérations de secours en Méditerranée centrale.

Un autre navire de l’ONG Proactiva, l’Astral, va partir d’Espagne samedi pour aller prêter assistance – notamment en apportant de la nourriture, de l’eau et des fournitures médicales – à l’Open Arms.

Des conditions épouvantables

Nos inquiétudes concernant le bien-être des personnes à bord de ce navire sont de plus en plus vives. Après une semaine passée en mer sous une chaleur écrasante, ces personnes qui ont risqué leur vie pour échapper aux atteintes aux droits humains commises en Libye, doivent pouvoir débarquer immédiatement soit à Malte soit en Italie.

Les personnes à bord ont été secourues les 1er et 2 août dans les eaux internationales, les premières à 78 miles nautiques de la Libye, et les deuxièmes à proximité de la zone maltaise. Un grand nombre d’entre elles disent avoir subi des formes extrêmes de mauvais traitements durant leur détention en Libye, et certaines présenteraient des brûlures au troisième degré et des blessures par balle. Un homme affirme avoir subi ces blessures pendant l’attaque du mois dernier contre le centre de détention de Tajoura, à Tripoli.

La responsabilité des États européens

En refusant de laisser débarquer ces personnes dans un port sûr, les responsables politiques manquent honteusement à leurs engagements internationaux. Les femmes, hommes et enfants à bord du navire ne peuvent pas retourner en Libye car ils risquent d’y être torturés ou tué.

Il est inacceptable qu’au large des plages sur lesquelles se prélassent des vacanciers, des bébés se trouvent bloqués en mer. Les États européens, à commencer par l’Italie et Malte, ont cyniquement affaibli le système de recherche et de sauvetage et se servent de personnes comme de pions pour négocier des politiques migratoires abusives.

Il est grand temps que les gouvernements européens cessent de jouer avec la vie des personnes et qu’ils mettent en œuvre les moyens nécessaires pour que les opérations de recherche et de secours puissent être menées quand cela est nécessaire. Ils doivent se mettre d’accord de toute urgence sur un mécanisme de débarquement rapide et prévisible.

L’aspect injuste des règles européennes en matière d’asile (le règlement de Dublin) n’encourage pas un débarquement rapide. Ces règles déterminent quel pays est responsable de l’examen de la demande d’asile.

En général, c’est le pays par lequel la personne demandeuse d’asile a pénétré dans l’Union européenne qui a cette charge. De ce fait, un petit nombre de pays sont contraints d’étudier la majorité des demandes.

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