Le gouvernement doit réévaluer en urgence le coût de Cigéo (11/04/2018)

Communiqué commun du Réseau “Sortir du nucléaire“, France Nature Environnement, BureStop55, MIRABEL-Lorraine Nature Environnement

stop-bure-poubelle-nucleaire.jpgEn mars 2016, 4 associations avaient attaqué devant le Conseil d’État un arrêté pris par Ségolène Royal en janvier 2016, qui fixait le coût de Cigéo à 25 milliards d’euros alors que l’Andra l’avait évalué à 34,5 milliards. Ce 11 avril 2018, le Conseil d’État a rejeté la requête des associations, suivant les conclusions de la rapporteure publique : celle-ci estimait que le gouvernement avait fixé un « coût de compromis » pour éviter d’alourdir les charges des producteurs de déchets. Pour les associations, rien ne peut justifier un tel compromis qui aggrave le fardeau pour les générations futures. Elles appellent le gouvernement à réévaluer en urgence le coût de Cigéo et de la gestion des déchets radioactifs.

Coût de Cigéo : le Conseil d’État légitime un arbitrage qui n’avait pas lieu d’être

Dans sa décision du 11 avril 2018, le Conseil d’État a rejeté la requête des associations, suivant ainsi les conclusions de la rapporteure publique qui estimait qu'il n'y avait pas eu d’erreur d’appréciation de la part de l’État dans la fixation du coût de Cigéo. Elle mettait en avant le fait que l'Andra ait proposé au gouvernement de fixer ce coût dans une fourchette allant de 20 à 30 milliards d’euros. Selon elle, l’État avait la possibilité de choisir un chiffre entre les deux, en effectuant un compromis entre la situation financière des producteurs de déchets radioactifs et le coût de leur gestion pour les générations futures.

Les associations ne peuvent en aucun cas se satisfaire de ce discours, qui légitime un « coût politique » sans aucun rapport avec un quelconque « coût objectif ». Il est pour le moins surprenant, de la part de l’Andra, d’avoir effectué un chiffrage détaillé des coûts pour finalement proposer à l’État de trancher à la hache. Quelles tractations se cachaient donc derrière une telle proposition ?

Surtout, il est injustifiable de qualifier ce coût de « juste équilibre ». L’État n’aurait jamais dû effectuer de compromis en prenant en compte les intérêts financiers à court terme des producteurs de déchets. Au contraire, il aurait dû se focaliser uniquement sur le fait d’identifier les ressources nécessaires pour réaliser Cigéo et de s’assurer qu’elles soient disponibles le moment venu. L’arbitrage effectué, choix contestable et contesté, revient à faire peser un fardeau considérable sur les générations futures.

Le Conseil d’État n’a pas voulu prendre la responsabilité d’annuler cet arrêté et, ce faisant, de rajouter près de deux milliards d’euros au passif d’EDF[1]. Mais cette décision ne clôt pas le sujet : il n’est pas exclu que la Commission Européenne se saisisse de la situation, dans la mesure où il s’agirait ici d’une aide d’État déguisée.

Le gouvernement doit actualiser en urgence le coût de Cigéo et de la gestion des déchets radioactifs

Le Conseil d'État a reconnu les importantes incertitudes qui entourent le coût effectif du projet. Pour les associations, ces incertitudes auraient justement dû conduire l’État à faire preuve de la plus grande prudence et à retenir le haut de la fourchette proposée, au lieu de « couper la poire en deux ».

Il est incompréhensible qu’une telle attitude ait été légitimée, alors que de nouveaux éléments vont fatalement renchérir ce coût : retard prévu dans le dépôt de la demande d’autorisation de création, recherches complémentaires exigées par l’ASN sur de nombreux points pour fournir d’hypothétiques démonstrations de sûreté, nécessité d’une expertise internationale sur les déchets bitumineux… sans compter les critiques émises par les économistes de la Commission Nationale d’Évaluation (et notamment le choix de taux d’actualisation bien optimistes[2]).

Puisque le coût de Cigéo est reconnu comme « évolutif », les associations appellent solennellement le gouvernement à le réactualiser en urgence. Le respect des générations futures et des contribuables actuels exige un chiffrage sincère du fardeau qu’ils devront supporter, et ce quelle que soit l’option choisie.

Graves problèmes de sureté non résolus, financement hypothétique : il est hors de question que le gouvernement prenne la responsabilité d’engager Cigéo dans ces conditions. Un tel choix serait d’autant plus irresponsable que la phase expérimentale pilote prévue entre 2020 et 2034 engloutirait, à elle seule, en 15 ans, 95% des provisions constituées à ce jour par les exploitants pour la gestion à long terme (sur plus de 120 ans) des déchets radioactifs les plus dangereux. La seule issue à cette impasse est de tarir la production de déchets et lancer de toute urgence l’étude des alternatives à l’enfouissement.

Que Cigéo se construise ou soit abandonné, des sommes colossales seront dans tous les cas nécessaires pour la gestion de ces déchets dangereux. En l’état actuel, l’attitude du gouvernement nous mène tout droit au pire des scénarios. Nous nous dirigeons vers la construction d'un projet dangereux et imposé, doté d'une sûreté hypothétique sur 100 000 ans ; où les risques d’accidents pourraient être encore plus élevés, la sûreté ayant été revue à la baisse faute de financements... et en cas de problème, plus aucun moyen suffisant pour développer un plan B, les ressources financières ayant tous été absorbées.

Plus que jamais, il est urgent d’abandonner ce projet dangereux et mettre fin à la production de déchets radioactifs ingérables.

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23:07 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bure, déchets nucléaires, enfouisement déchets nucléaires | |  Facebook | |  Imprimer |