De moins en moins de fermes, de plus en plus grandes (et le Mercosur n’arrange rien) (13/11/2025)
Article de publié dans Basta le 13 novembre 2025
Tout autour de chez vous, les fermes continuent de disparaître à un rythme effréné. Près de 40 000 exploitations agricoles de moins en quatre ans : c’est le nombre alarmant qui ressort d’une récente étude publiée par le ministère de l’Agriculture. Lors du dernier recensement décennal, en 2020, la France métropolitaine comptait 390 000 exploitations agricoles. Il n’en restait que 349 600 en 2023.
Face à ce marasme, les promesses d’Emmanuel Macron depuis son élection en 2017 pour renouveler les générations agricoles, révèlent leur vacuité. En février dernier, la loi d’orientation agricole pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture s’est fixé comme objectif de « compter au moins 400 000 exploitations agricoles et 500 000 exploitants agricoles en 2035 ». Les politiques menées ces dernières années ne font que nous éloigner de cet objectif.
Un mouvement de concentration sans précédent
Cette enquête d’Agreste, le service national de statistiques agricoles, offre un précieux point d’étape entre deux recensements généraux, réalisés tous les dix ans. Elle confirme le phénomène de concentration des exploitations françaises observé depuis la deuxième moitié du 20e siècle et que la loi Duplomb devrait encore accentuer.
La taille moyenne des fermes passe ainsi de 89 hectares en 2020 à 93 hectares en 2023. Le nombre moyen d’animaux par ferme augmente aussi, notamment pour les bovins laitiers, les poules pondeuses et les poulets de chair.
La tendance générale est aussi celle d’un agrandissement. D’un côté, les fermes les plus petites, de 25 à 75 hectares, sont de moins en moins nombreuses (au rythme de 3100 fermes en moins chaque année). De l’autre, le nombre de fermes de 200 hectares ou plus progresse fortement, avec une hausse annuelle moyenne de + 2,8 %. Ces grandes exploitations représentent désormais une exploitation sur dix et concentrent un tiers des surfaces agricoles.
Pour Philippe Pointereau, président de l’association Terre de liens, qui aide de futurs agriculteurs à trouver des terres à cultiver, « cette évolution est la conséquence directe d’une PAC [politique agricole commune, ndlr] qui favorise les grandes exploitations qui touchent le plus de subventions et ont les revenus les plus élevés ». Cette évolution marque aussi la fin d’un modèle de ferme transmissible. Comment racheter ces immenses exploitations sans être détenteur d’un énorme capital ? Toutes les conditions sont réunies pour que l’agriculture de firme progresse.
Le Mercosur anticipe la disparition des fermes
Quelles suites espérer ? Près d’un ou une cheffe d’exploitation sur cinq avait plus de 60 ans en 2023. Alors que cette étude confirme le vieillissement de la population agricole, les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron n’ont cessé de marteler depuis 2017 qu’ils soutenaient l’installation. « Je le dis aussi pour les jeunes qui veulent s’installer : il y a de l’avenir dans notre agriculture », déclarait ainsi le président de la République en février dernier au salon de l’agriculture.
Or, c’est ce même président qui vient de rétropédaler sur l’accord de libéralisation du commerce entre l’Union européenne et les pays du Mercosur – Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay. En se disant « plutôt positif » sur la possibilité d’accepter cet accord, Emmanuel Macron ouvre les vannes à l’importation de milliers de tonnes de viande de bœuf, de porc et de volaille, exonérées de droits de douane. Avec le Mercosur, les moins « compétitifs », ceux qui ne peuvent s’aligner sur des prix à la baisse, vont pâtir de cette nouvelle concurrence internationale et sont condamnés à disparaître.
Or, ce sont précisément les fermes d’élevage qui peinent aujourd’hui le plus à trouver des repreneurs, et disparaissent progressivement au profit de l’agrandissement et des grandes cultures. La Commission européenne a d’ores et déjà annoncé un fonds de compensation, doté d’un milliard d’euros, en cas de ratification de l’accord. Elle reconnaît ainsi des effets attendus significatifs, comme si les agriculteurs de ces filières acceptaient déjà d’être indemnisés pour fermer boutique.
Le rebond des fermes en circuit court
Comment permettre à des jeunes – et moins jeunes – de reprendre aujourd’hui des fermes sur fond de politiques publiques qui poussent à l’agrandissement et à un libre échange débridé ? Pour trois départs en retraite, on compte actuellement seulement deux installations, avec un fort engouement pour l’agriculture biologique et les circuits courts.
Et c’est d’ailleurs là que se situe aujourd’hui un des rares signaux positifs : dans l’étude d’Agreste, la part des exploitations en agriculture biologique progresse, avec désormais près d’une exploitation sur six en bio et ce, malgré le dénigrement politique dont le secteur fait l’objet. Parmi ces fermes, 26 % commercialisent leurs produits en circuits courts.
Certes, l’attrait pour la production locale des aliments ne doit pas masquer le fait que 80 % des Français et des Françaises continuent de s’approvisionner dans les supermarchés. Mais l’opinion publique s’accorde sur un large rejet des accords de libéralisation du commerce.
Depuis plus de 70 ans, les décisions politiques s’accumulent pour éliminer les petites et moyennes fermes françaises. La ratification du Mercosur serait une énième étape dans cet immense plan social. Les agricultrices et agriculteurs veulent pouvoir vivre de leur travail, pas être payés pour disparaître.

21:37 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : agriculture, agriculture paysanne, mercosud, agriculture bio, basta |
|
Facebook | |
Imprimer |