JO 2024 : de la vidéosurveillance algorithmique à la reconnaissance faciale, il n’y a qu’un pas (28/07/2024)
La vidéosurveillance algorithmique (VSA) a été légalisée en France à titre expérimental à l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. La légalisation de cette technologie est un pas de plus vers l'utilisation de la reconnaissance faciale. Dans ce contexte, nous appelons les parlementaires français à adopter au plus vite une loi visant à interdire la reconnaissance faciale à des fins d’identification dans l’espace public. Explications avec Katia Roux, notre spécialiste technologie et droits humains.
La reconnaissance faciale ne sera pas utilisée lors des Jeux olympiques et paralympiques, les autorités françaises l’avaient assuré. Elles l’ont même érigé en principe. Une ligne rouge pour rassurer les inquiets peut-être, pour circonscrire le débat sans doute, mais surtout pour mieux faire accepter le déploiement en France de la vidéosurveillance basée sur l’intelligence artificielle (IA), testée dimanche 3 et mardi 5 mars lors des concerts de Depeche Mode à l’Arena de Bercy.
Et pourtant, la France ne semble pas prête à renoncer à scanner nos visages dans l’espace public. En témoigne sa forte mobilisation contre l’interdiction de la reconnaissance faciale au niveau européen lors des débats sur le règlement de l’Union européenne sur l’IA (AI Act). Le récent vote des Etats membres, qui se sont alignés sur la position de la France, constitue à ce titre une occasion manquée de protéger nos libertés fondamentales.
A ce jour, il n’existe pas en France de cadre légal pour interdire l’usage de la reconnaissance faciale. Pour que la surveillance de masse ne devienne pas la norme en France, les parlementaires doivent prendre toute la mesure des dangers auxquels les citoyens sont exposés et adopter au plus vite une loi visant à interdire la reconnaissance faciale à des fins d’identification dans l’espace public.
Vers un renforcement de l’arsenal sécuritaire ?
Les Jeux olympiques et paralympiques ont fourni l’occasion idéale de renforcer l’arsenal sécuritaire de la France avec la vidéosurveillance algorithmique (VSA) et ouvrent désormais la voie à la légalisation de la reconnaissance faciale à des fins d’identification. Techniquement, il ne s’agirait que d’une fonctionnalité à activer sur des logiciels de VSA.
L’attrait des autorités françaises pour les technologies de surveillance dans l’espace public n’est plus à démontrer. Les responsables politiques vantent l’efficacité et l’efficience de ces outils face aux enjeux sécuritaires. Se dispensant d’en faire la démonstration, ils encouragent leur déploiement, à titre expérimental, dans les villes, les transports en commun, les stades. Ainsi se multiplient, sans grande publicité, les appels d’offres et crédits publics invitant les industriels du secteur à développer leurs «solutions» technologiques.
Mais la question est sensible et la collecte massive de données biométriques préoccupe, à juste titre, les défenseurs des libertés en France.
La solution ? Poser un principe d’interdiction de la reconnaissance faciale et l’assortir d’exceptions liées au domaine de la sécurité ? C’est ce que la France a prôné dans le cadre de l’AI Act. C’est ce qu’ont proposé les sénateurs français, quelques semaines seulement après l’adoption de la loi Jeux olympiques et paralympiques 2024.
Le risque ? Autoriser en pratique la reconnaissance faciale dans un des domaines qui permet le plus d’abus. Seule une interdiction totale, sans exception, permettra d’éliminer les risques que ces technologies font peser sur nos libertés.
Vers une société de contrôle et de suspicion ?
La question du déploiement des systèmes de reconnaissance faciale dans l’espace public pose finalement celle de notre modèle de société. Une société qui ne garantit plus le droit à la vie privée peut dangereusement basculer vers une société de contrôle et de suspicion généralisée qui empêchent l’exercice et la réalisation de nos droits fondamentaux. Une société d’autocensure qui ne permet plus l’expression d’une critique légitime. Une société où les biais et pratiques discriminatoires humains sont amplifiés par les technologies biométriques.
Sous prétexte de préserver la «sécurité nationale», les gouvernements utilisent ces outils pour contrôler les individus au sein de la société. Amnesty International l’a démontré à New York, à Hyderabad, en Inde, ou dans les territoires palestiniens occupés. Ces dispositifs de reconnaissance faciale, qui permettent la surveillance ciblée, amplifient les discriminations existantes.
Pour prévenir un tel basculement en France, pour ne pas mettre entre les mains de nos dirigeants d’aujourd’hui et de demain des outils de contrôle de tous et toutes, pour garantir un environnement favorable à l’exercice et la réalisation des libertés fondamentales, il est nécessaire et urgent d’interdire la reconnaissance faciale.
Amnesty International France appelle les parlementaires français à agir en ce sens, à refuser la surveillance de masse avant que celle-ci ne s’installe durablement et transforme en profondeur et de manière irréversible notre société.
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