Agir face au exécutions des manifestants en Iran (13/05/2023)

Pétition-tribune signée par la LDH et publiée dans Le Monde

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Jeudi 8 décembre 2022 à l’aube, un jeune Iranien de 23 ans, Mohsen Shekari, est exécuté à Téhéran. Il a été arrêté le 25 septembre lors des manifestations contre le régime qui embrasent l’Iran depuis la mort de Mahsa Jina Amini. Huit semaines plus tard, il est condamné à mort au motif de « guerre contre Dieu » (moharebeh) et pendu. Sa famille voulait faire appel de sa sentence.

Les images diffusées par les télévisions iraniennes de son procès, tenu sans avocat à huis clos, montrent son regard stupéfait qui crie l’injustice, et qui ne nous quittera plus. Ce regard, qui nous prend à témoin du cauchemar, est aussi celui de Majidreza Rahnavard, exécuté à Mashad le 12 décembre, et de Mahan Sadrat Madani désormais en instance d’exécution, ainsi que onze autres manifestants condamnés à mort par le tribunal révolutionnaire, dont l’artiste et comédien de théâtre Hossein Mohammadi.

Cette instance, illégale selon les lois mêmes de la République islamique, comme le rappelle l’avocate Nasrin Sotoudeh, opère selon une procédure et des charges (« guerre contre Dieu », « corruption sur la terre ») qui sont une insulte à l’humanité. Les avocats qui s’y sont présentés pour défendre les manifestants ont été arrêtés et détenus au secret. Les avocats commis d’office se font le relais des violences et instructions à charge du tribunal.

L’Etat iranien contre sa propre population

Cinquante-cinq manifestants et manifestantes, dont trois mineurs, sont jugés et encourent en ce moment même la peine de mort. Parmi elles et eux, le rappeur Toumaj Salehi, figure de résistance et d’engagement, mais aussi Hamid Ghareh-Hassanlou, un médecin accusé de la mort d’un milicien auquel il portait secours. Face à cette nouvelle terreur, dans les rues comme en ligne, les Iraniennes ne baissent pas la tête, mais s’unissent dans un slogan : « Derrière chacun de nous qui meurt, battent mille autres cœurs »

Le président iranien, Ebrahim Raïssi, et plusieurs figures du régime ont félicité les autorités judiciaires pour leur diligence. Le spectacle effroyable de ces mises à mort amorce un tournant dans la répression. Le peuple iranien a investi la rue pour demander un changement de régime, et refuse de la quitter depuis trois mois.

Face à ce mouvement révolutionnaire inédit, l’Etat iranien s’est engagé dans une guerre contre sa propre population (des villes du Kurdistan sont littéralement en état de siège). Il apporte aussi son soutien dans d’autres guerres meurtrières comme le montre l’usage par les Russes des drones iraniens dans la destruction de la vie civile en Ukraine.

Le président actuel Raïssi reconnu « criminel de guerre »

Acculée, la République islamique réactive la politique de la mort par laquelle elle s’était instituée dans les années 1980, en torturant et en exécutant des milliers d’opposants. Le président actuel, Ebrahim Raïssi, qui était juge révolutionnaire lors des massacres de prisonniers politiques en 1988, a d’ailleurs été reconnu « criminel de guerre » par le tribunal de grande instance de Stockholm en juin 2022.

Le tournant terrible amorcé aujourd’hui avec l’exécution des manifestants est un test, pour la société iranienne comme pour la communauté internationale : s’il se trouve conforté dans son impunité, s’il voit que sa terreur fonctionne, alors nul doute que l’Etat iranien aura trouvé sa voie de sortie et va exécuter plus encore.

Notre silence va-t-il laisser le peuple iranien revivre les heures les plus sombres de son histoire, lorsque les listes de dizaines d’exécutés défilaient au générique des informations tous les soirs, et que les prisonniers étaient massacrés au secret ? Les révoltes en cours l’ont montré : l’effroi ne nourrit pas forcément la paralysie ; l’injustice et l’outrage peuvent alimenter la juste colère du soulèvement. Il nous faut souffler sur ces flammes qui sont les seules à même de détruire les prisons et les potences iraniennes.

Réduire au strict minimum ses relations avec l’Iran

Ce qui se joue en Iran dépasse les frontières : cela concerne le monde entier et peut contribuer à ouvrir un nouvel âge de la liberté. Le président Emmanuel Macron a reçu quatre dissidentes iraniennes et a manifesté son soutien entier et clair au mouvement révolutionnaire amorcé dans ce pays. Nous demandons qu’il agisse en cohérence avec cet engagement d’humanité, de justice et de liberté, qui fondent les valeurs du peuple qui l’a élu.

Nous demandons au président Emmanuel Macron d’exiger avec la plus grande fermeté l’arrêt immédiat des exécutions et la libération de tous les prisonniers politiques en Iran. Nous demandons que la France réduise au strict minimum ses relations diplomatiques avec la République islamique d’Iran, et envoie un message fort de soutien au peuple iranien en rappelant son ambassadeur.

Nous demandons au président d’agir pour empêcher le régime iranien d’avoir accès, malgré un embargo général, à des ressources économiques grâce à la vente de son pétrole de manière détournée, et pour l’empêcher d’acheter, malgré un embargo général, du matériel de surveillance et des armes vendues par les entreprises occidentales pour mener une guerre à sa propre population.

L’heure est à la clarté, il est temps de prouver la puissance des valeurs de liberté et d’égalité. C’est cette exigence et cette solidarité qui a été portée sur scène le 12 décembre, lors du concert organisé par le collectif Barayé en soutien au peuple iranien et à son cri qui remue le monde : Femme, vie, liberté !

 

Voir la liste des signataires sur le site de la LDH

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