La disposition sur laquelle elle repose est un motif tiré de la toute récente loi « séparatisme » jamais utilisé auparavant : la « provocation à des agissements violents envers les personnes et les biens ». Le texte original qui permet les dissolutions visait les milices armées d’extrême droite, et évoquait les organisations qui « provoquent à des manifestations armées dans les rues ». Mais, comme l’explique Me Forray, la loi « séparatisme » a étendu cet alinéa. Pour lui, il s’agit d’une extension « fourre-tout », qui pose un problème d’interprétation. « Quelles sont ses limites, et sa portée ? Jusqu’ici, c’était impossible de dissoudre un groupe de gauche, car la lutte armée ou la discrimination, les motifs les plus fréquents de dissolution, sont antithétiques avec les valeurs que ceux-ci portent. Mais un “appel à la violence”, c’est difficile à interpréter », explique l’avocat. Pour lui, ce décret met en exergue un problème constitutionnel lié à cette loi : « Les agissements violents contre les biens, ça n’existe pas. On peut dégrader un bien, et on peut être violent contre une personne, c’est tout. Cette loi introduit une notion qui n’existe pas, ce qui crée une insécurité juridique majeure, puisqu’il devient impossible de connaître le champ d’application de la loi. »
La notification de dissolution envoyée par le ministère de l’Intérieur à Florent (1), chef supposé de la Gale, listait d’une part des manifestations et des actions attribuées à la Gale, en marge desquelles ont pu se produire des incidents, et d’autre part des posts sur les réseaux sociaux contre l’extrême droite, la police et la « violence et le racisme d’État », qui constituent les provocations à la violence reprochées à la Gale. Les avocats du collectif ont répondu par un document de 21 pages, que Politis a également pu consulter, qui dénonçait « des allégations injustifiées », des faits « inexacts », voire une démonstration « mensongère » de la part du ministère. Malgré ce document, le décret de dissolution a été annoncé mercredi dernier.
Pour autant, la Gale et ses avocats ne s’avouent pas vaincus : Me Olivier Forray et Agnès Bouquin ont déposé ce soir un référé libertés devant le Conseil d’État, qui, s’il n’est pas « trié », doit être traité dans les 48 heures, et peut aboutir à la suspension du décret. « C’était important pour nous que le référé soit traité avant le premier tour de l’élection présidentielle, explique Olivier Forray, On parle d’un groupe politique qui exerce son droit de critique en période électorale, ils veulent participer à des manifestations, participer à la vie politique du pays. » D’où la justification d’une procédure d’urgence.