Climat: l’heure de vérité (05/06/2019)

Extraits d'un article publié par Alternatiba.

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On a planté

Si le dérèglement climatique gagne inexorablement du terrain, c’est parce que ses responsables sont encore en position de force. Or, il n’y a malheureusement pas de haricot magique permettant de faire pousser d’un claquement de doigts un mouvement apte à renverser la table et à construire une alternative pérenne. C’est pour ça que ces dernières années, il a fallu travailler le terreau, l’amender, semer et planter les graines permettant l’éclosion d’un tel mouvement. Construire le rapport de force est un travail de longue haleine, souterrain et silencieux. C’est ce qui le rend en grande partie invisible. On pourrait rétorquer : “mais face à l’urgence climatique, nous ne pouvons pas nous payer le luxe de la patience !” C’est vrai, et c’est ce dosage entre urgence et nécessité de construire des bases solides qu’il convient sans cesse de trouver. Car pour inverser des situations qui nous sont défavorables sans épuiser ressources et militant⋅e⋅s et sans se solder par un échec, il faut faire une analyse honnête de la situation, et des paliers à franchir. On ne gravit pas l’Himalaya d’une traite sans reprendre des forces au camp de base.

Or, en 2013, le mouvement climat français cuvait une “gueule de bois” post-Copenhague. Malgré une forte mobilisation internationale pour le climat à la COP15 de Copenhague en 2009, aucun accord n’avait été trouvé, ce qui avait démobilisé et démoralisé bon nombre de militant⋅e⋅s. C’est dans ce contexte de Berezina climatique qu’est née la dynamique Alternatiba. Le mot d’ordre ? “Changeons le système, pas le climat” pour affirmer la nécessité d’un changement radical du système actuel, premier responsable du dérèglement climatique. Le pari ? Impulser de nouvelles mobilisations populaires sur le climat en organisant 10, 100, 1000 “villages des alternatives” partout sur le territoire en amont de la COP21 de 2015. Ces événements permettaient non seulement de montrer le jour J que les alternatives pour lutter contre le système existaient, mais leur préparation était également l’occasion de renforcer les liens, sur chaque territoire, entre les porteurs d’alternatives, pour donner corps à une nouvelle dynamique collective. Puis, une deuxième branche a poussé avec la naissance du mouvement ANV-COP21, dont l’objectif était d’organiser des actions de désobéissance civile de masse sur le climat en affirmant une ligne 100 % non-violente. Deux ramifications qui se voulaient complémentaires au précieux travail mené par nos alliés.

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Dans ce terreau pouvaient ainsi être semées plusieurs graines. Grâce aux nombreux villages, mais aussi aux deux Tours Alternatiba qui ont sillonné le territoire, à des événements ponctuels ou à l’établissement de lieux alternatifs, les “alternatibases” servant de hub et de base arrière aux mobilisations, des groupes militants sont nés, se sont structurés et renforcés dans tous les territoires. Une attention particulière a été (et est toujours) dédiée à la montée en compétence de tou⋅te⋅s : par la pratique, évidemment, mais aussi grâce à un programme de formation continue, aux camps de formation estivaux (Camps Climat) et aux coordinations européennes, qui sont autant de temps de rencontre, de débat et de discussion au sein du réseau sur les objectifs du mouvement.

En parallèle, un travail de fond est mené pour transformer les territoires : formation au plaidoyer, stratégies gagnantes pour agir sur les politiques locales et renforcer le rapport de force citoyen sont en train d’être déployés un peu partout. Enfin, la résistance est constitutive de la genèse du mouvement. Que ce soit pour arracher le changement de politique d’une banque, ou pour faire grandir le rapport de force, nos stratégies intègrent le passage à la désobéissance civile 100 % non-violente en proposant plusieurs niveaux d’engagement pour permettre à chacun⋅e de contribuer en fonction de ses appétences et contraintes. Le récent blocage inédit de la Défense par 2030 citoyen⋅ne⋅s et plusieurs organisations fut l’occasion de démontrer que la massification de la désobéissance civile est possible. La multiplication des décrochages de portraits de Macron dans les mairies, loin d’être un jeu, est l’opportunité de taper où ça fait mal : en s’attaquant aux symboles, ce qui a provoqué une répression judiciaire disproportionnée, les militant⋅e⋅s ont dénoncé la vacuité de la politique gouvernementale et popularisé les véritables mesures qu’il faudrait mettre en place, même si le coût à payer se compte en gardes à vue et en procès.

N’ayons pas peur de dire la vérité

Mais nous devons également dire la vérité sur les efforts qu'il va falloir entreprendre, car nous sommes arrivé⋅e⋅s à un virage. Plus le temps pour une transition progressive : l’heure est venue de la métamorphose. Plus le temps pour des mesures fades et consensuelles : il faut à présent dire honnêtement ce que nous devons mettre en place si nous voulons être cohérent⋅e⋅s avec notre volonté de tout faire pour rester sous le seuil crucial des +1,5 °C de réchauffement global.

N’hésitons pas à dire tout cru ce que cet impératif, ce devoir moral, signifie. Ne tergiversons pas de peur de faire fuir les gens. D’abord parce que nous croyons sincèrement que ces derniers sont assez clairvoyants pour comprendre et accepter qu’il vaut mieux renoncer à quelques privilèges qu’à la survie de l’humanité. Ensuite, parce que beaucoup d’entre eux trinquent déjà, et ont perdu énormément avec ce système capitaliste et productiviste qui broie les plus faibles et enrichit une poignée d’ultra-riches. Les mobilisations de ces derniers mois, liant fin du monde et fin du mois, ne l’ont que trop bien montré. Ne taisons ni la responsabilité des grandes entreprises polluantes dont les activités brûlent la planète, ni celle de nos représentants politiques dont l’inaction et les petits pas fournissent le combustible, ni la nôtre. Nous devons passer en mode pompier : pour cela nous portons non seulement la responsabilité d’agir par la désobéissance civile et la construction des alternatives, mais aussi celle de cesser de soutenir ce système en soufflant sur ses braises.

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Nous faisons même le pari que ce changement de société inédit mais nécessaire peut construire autre chose : une vie réenchantée, où consommer ne sera plus la boussole de nos activités, où nous cesserons notre course effrénée à la croissance et aux profits pour avoir enfin le temps, où nous ne sacrifierons plus la santé de nos enfants, où nous recréerons du lien social et de la solidarité dans des territoires repeuplés de services de proximité, où les multinationales ne dicteront plus leur loi et où la démocratie ne sera pas une illusion.

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Prêt⋅e⋅s à changer le système

Car ce n’est pas contre le dérèglement climatique que nous luttons, en réalité. Mais contre le système qui le provoque. C’est pourquoi nous décidons d’orienter nos actions collectives et nos choix stratégiques vers tous les leviers qui peuvent saper ce système. Nous continuerons, certes, à nous opposer aux projets et aux politiques permettant l’extraction des énergies fossiles. Mais nous devons également ébranler les piliers de ce système : s’attaquer à la consommation en s’opposant aux systèmes des hypermarchés ou de la vente en ligne comme Amazon, qui freinent la relocalisation de l’économie, favorisent la disparition et la paupérisation des paysan⋅ne⋅s, multiplient les transports, encouragent la surconsommation. User ses fondements en dénonçant la publicité. S’interposer face à la logique des transports qui suppose d’aller toujours plus vite, toujours plus loin en nous mobilisant contre le secteur de l’aviation et pour la mobilité douce.

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Personne n’a choisi la date de sa naissance, mais nous nous trouvons tou⋅te⋅s à ce point de l’histoire de l’humanité où ce que nous ferons, ce que nous ne ferons pas et ce que nous laisserons faire va déterminer les conditions de survie de notre espèce et des équilibres planétaires tels que nous les connaissons. Interposons-nous face à chaque politique, chaque projet climaticide pour massifier la désobéissance civile. Construisons et soutenons les alternatives pour les faire changer d’échelle. Considérons le mouvement climat comme la meilleure assurance-vie qui soit et investissons notre temps ou notre argent pour lui permettre d’être à la hauteur du défi. N’ayons pas peur d’imaginer d’autres façons de vivre. Ensemble, déracinons ce système malade.

Pour lire l'article en entier, suivre ce lien.

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