Stop à l’impunité des multinationales (31/01/2019)

Dans nos sociétés, les personnes qui commettent un vol ou un crime sont poursuivies, traduites en justice et, si elles sont jugées coupables, condamnées à une amende ou à de la prison. Imaginez un monde où il serait possible d’échapper au système judiciaire et de bénéficier d’une impunité totale. Dans un univers parallèle, réservé à certaines multinationales privilégiées, ce monde existe. Il est temps d’y mettre fin...

Accaparement de terres, pollution, corruption… Dans de nombreux pays, certaines multinationales se livrent à des abus qu’elles ne sauraient commettre dans leur pays d’origine, et s’en tirent à bon compte. Elles peuvent même poursuivre en justice les gouvernements lorsqu’elles estiment que la législation en vigueur les désavantage !

Tout cela est rendu possible par les traités commerciaux internationaux qui, la plupart du temps, prévoient des tribunaux d’arbitrage privés pour les multinationales. Ces systèmes de justice parallèle leur permettent d’échapper à la législation qui s’applique au commun des mortels et qui protège l’intérêt public.

Pour mettre fin à ces privilèges, plus de 150 organisations (dont Greenpeace) dans 16 pays européens ont lancé la semaine dernière une pétition paneuropéenne, « Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales ». Ces organisations aux États membres et à l’Union européenne de :

  • mettre fin au système de justice d’exception dont bénéficient les multinationales ;
  • mettre en place une réglementation qui obligent les multinationales à respecter les droits humains et de l’environnement, avec en ligne de mire la ratification d’un traité onusien pour protéger ces droits.

L’arbitrage privé, un mécanisme controversé

Ce mécanisme de justice parallèle très controversé a été au cœur des mouvements de contestation massifs contre le TAFTA, le CETA ou encore le TISA. Malgré cette vague sans précédent de mobilisation, l’Union européenne promeut l’insertion d’un tel mécanisme dans un grand nombre d’accords en préparation (Canada, Japon, Singapour, Vietnam, etc.).

Créé en 1965 par la Banque mondiale, dans un contexte de décolonisation pour “protéger” les entreprises de nationalisations jugées “abusives”, ce mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (encore appelé RDIE) a été chargé de trancher des litiges plus scandaleux les uns que les autres…

Philipp Morris a attaqué l’Uruguay et l’Australie sur des lois portant sur l’introduction du paquet neutre de cigarettes dans ces deux États. Si l’entreprise n’a pas obtenu gain de cause, ces plaintes ont eu pour effet de dissuader ou de retarder des législations similaires dans d’autres pays. Le suédois Vattenfall traîne actuellement l’Allemagne devant les tribunaux pour avoir décidé de sortir du nucléaire. L’entreprise Texaco (acquise par Chevron en 2001), a extrait du pétrole en Amazonie équatorienne et provoqué l’une des plus grandes catastrophes environnementales au monde. Comble du cynisme, un tribunal privé vient d’ordonner au gouvernement équatorien de verser des indemnités à l’entreprise pollueuse.

La France, une bonne élève qui doit concrétiser ses engagements

Le 27 mars 2017, la France a promulgué la « loi sur le devoir de vigilance ». Cette loi marque une étape historique dans la protection des droits humains et de l’environnement en imposant aux entreprises françaises une obligation de prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement pouvant résulter de leurs activités et celles de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants de par le monde. Il faut maintenant veiller à ce que cette loi soit appliquée comme il se doit ; 2019 est pour cela une année cruciale, puisque les premières actions devant les tribunaux français au nom de cette loi sont désormais possibles.

Les parlementaires et le gouvernement français portent une responsabilité majeure pour que l’Union européenne adopte une législation similaire, et faire preuve de cohérence en cessant de soutenir des traités de libre-échange comme le CETA qui légitiment ces tribunaux d’arbitrage privé.

Aucune disposition internationale contraignante n’oblige les multinationales à rendre compte de leurs actes et à garantir le respect des droits humains, du travail ou de l’environnement. Les communautés affectées sont souvent désemparées et en proie à un déni de justice, face à des multinationales toutes puissantes.

Si, comme nous, vous estimez qu’il est temps de mettre fin à ce système injuste, demandez à l’Union européenne et à ses États membres de révoquer ces clauses d’arbitrage entre investisseurs et États des accords de commerce et d’investissement en vigueur, de s’abstenir de conclure des accords de ce type à l’avenir et de soutenir les négociations en cours aux Nations unies en vue de l’adoption d’un traité contraignant pour les multinationales.

Pour en savoir plus sur la campagne « Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales, rendez-vous sur : https://stopisds.org/fr/

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