Sécheresse et canicule : le nucléaire fait souffrir les cours d’eau (02/08/2018)

La canicule est présente depuis juillet et la sécheresse menace dans certains départements. Ces épisodes climatiques extrêmes, susceptibles de se multiplier dans les années à venir, rendent les centrales nucléaires plus polluantes encore pour les cours d’eau. Mais pour EDF, les intérêts financiers priment sur la santé des écosystèmes aquatiques !

Des centrales nucléaires gourmandes en eau

Une centrale nucléaire a besoin d’eau en permanence pour évacuer la chaleur produite par la réaction nucléaire, et ce même même à l’arrêt. En bord de mer ou sur les cours d’eau à fort débit, les centrales fonctionnent en circuit "ouvert" : chaque réacteur prélève près de 50 m3 par seconde pour ses besoins en refroidissement. L’eau est ensuite rejetée à une température plus élevée. C’est le cas, par exemple, à Fessenheim. Sur les cours d’eau où le débit est plus faible, elles fonctionnent en circuit dit "fermé" : pour chaque réacteur, près de 2 à 3 m3 sont pompés par seconde dans les cours d’eau, dont une partie est ensuite évaporée dans les tours de refroidissement, formant un panache blanc caractéristique ; le reste est ensuite rejeté. D’une manière générale, dans toute centrale nucléaire, les deux tiers de l’énergie produite sont perdus sous forme de chaleur, qui sera elle-même évacuée sous forme de vapeur d’eau (qui est un gaz à effet de serre) et/ou viendra réchauffer les cours d’eau : pour exemple, un réacteur d’une puissance électrique de 800 MW (comme ceux de Fessenheim) doit évacuer en permanence 2400 à 2500 MW thermiques.

Des dérogations sur mesure pour les étés chauds

Le fonctionnement des centrales en été exige donc un débit suffisant — sans compter que si l’eau des fleuves et rivières est déjà chaude, il faudra en pomper une quantité plus importante encore pour refroidir suffisamment les réacteurs. D’où certains arrangements pour conserver suffisamment d’eau dans les fleuves... En cas de sécheresse, on préfèrera vider le lac de Vassivière (Limousin) pour que la Vienne continue à refroidir la centrale de Civaux. Cette question peut même prendre une dimension internationale : en avril dernier, François Hollande a entrepris des démarches auprès de la Suisse pour qu’en cas de sécheresse, les débits d’eau à la sortie du Lac Léman restent suffisants pour faire fonctionner les 14 réacteurs français implantés au bord du Rhône !

Surtout, les rejets d’eau chaude ne sont pas sans impacts sur les milieux aquatiques. On estime que la température du Rhin a augmenté de près de 3°C à cause de la centrale de Fessenheim. Or ces rejets thermiques agissent comme une barrière qui réduit considérablement les chances de survie des poissons grands migrateurs, comme les saumons et truites des mers. En période de fortes chaleurs, avec des fleuves au débit réduit et à la température en hausse, ces impacts sont d’autant plus importants.

Or pour continuer à produire coûte que coûte, EDF n’a jamais cessé d’intervenir pour modifier la législation ou obtenir des dérogations : il faut bien faire tourner les climatiseurs... et surtout, tout arrêt de réacteur représente un manque à gagner d’un million d’euros par jour pour l’électricien ! Pendant la canicule de 2003, un grand nombre de centrales ont bénéficié de dérogations... puis à nouveau d’un assouplissement de ces mesures. Dans les années qui ont suivi, les centrales françaises ont progressivement bénéficié de mesures encore plus permissives : on ne prendra plus comme limite une température absolue à ne pas dépasser en aval de la centrale, mais une température moyenne sur 24h et un écart de température entre amont et aval à ne pas dépasser. Et si, en cas de "canicule extrême et nécessité publique", les limitations habituelles ne peuvent être respectées, un décret de 2007 autorise à modifier encore les conditions de rejets thermiques ! Les poissons apprécieront...

(...)

Des nuisances croissantes avec le réchauffement du climat

Le changement climatique en cours, qui promet la multiplication des épisodes extrêmes (notamment sécheresses et canicules), risque d’aggraver la pression sur les cours d’eau. Plutôt que d’accumuler dérogation sur dérogation au mépris des écosystèmes aquatiques, EDF ferait mieux de se rendre à l’évidence : à terme, bon nombre de centrales ne pourront plus produire d’électricité. Des études prédisent une baisse de débit d’étiage des fleuves de 20 à 40 % d’ici à 2050 [3], mais il ne sera sans doute pas nécessaire d’attendre cette date ; dès 1995, les commissaires-enquêteurs en charge de l’enquête publique pour la centrale de Civaux avaient émis un avis défavorable, estimant que les rejets prévus n’étaient pas compatibles avec le débit de la Vienne.

À supposer qu’EDF pourrait à l’avenir construire de nouveaux réacteurs, les implanter en bord de mer ne résoudrait ce problème d’étiage en baisse que pour buter sur un autre : certaines centrales côtières risquent d’être menacées par l’inévitable montée des eaux liée au changement climatique déjà en cours, comme Gravelines (construite sur un polder) ou le Blayais (déjà inondée lors de la tempête de 1999).

Loin de constituer un atout dans la lutte contre le changement climatique, dans un monde qui se réchauffe, le nucléaire constitue un risque supplémentaire dont il est urgent de se débarrasser !

Article de Charlotte Mijeon pour le réseau " Sortir du nucléaire"

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