Enfermement des mineurs : quelles évolutions ? (02/02/2018)

Communiqué commun du Syndicat de la magistrature, du SNPES/PJJ/FSU, SAF, OIP, LDH, DEI-France et FSU

Un anniversaire de plus et toujours rien à l’horizon du côté d’une réforme ambitieuse de l’ordonnance du 2 février 1945 régissant la justice des enfants et des adolescent.e.s. Après les rares modifications adoptées en 2016, ce texte fondateur est promis à une réforme à nouveau parcellaire, perdue dans la loi de programmation pour la justice, bien loin des besoins de la jeunesse.

logo_ordo45_article.jpgEt les dispositions éparses qui s’annoncent, encore une fois, ne reviennent pas sur l’enfermement et le contrôle et ne tiennent pas compte de la variété des outils éducatifs. En effet, le projet de simplification de la justice des mineur.e.s avalise la création de 20 nouveaux centres éducatifs fermés. Face, au constat d’échec des prises en charge dans ces structures, il est question d’en « ouvrir les portes », notamment par des possibilités de périodes de placement sous d’autres formes sans peur de l’injonction paradoxale qui en découle. Il prévoit également l’expérimentation sur trois ans d’une activité d’accueil de jour, proposition qui loin d’être une nouveauté maintient le présupposé simpliste qu’en occupant les adolescent.es, en les contenant dans un emploi du temps, on évite la commission d’un nouveau délit, le tout sans les moyens, ni les garanties pédagogiques de rigueur.

Là où la Convention internationale des droits de l’enfant et l’ordonnance de 1945 prévoient le caractère exceptionnel de l’emprisonnement, au 1er décembre 2017, 799 mineur.e.s étaient encore incarcéré.es en France, dans les 44 quartiers mineur.es des maisons d’arrêt et les 6 établissements pénitentiaires pour mineur.es.

Au-delà de ce chiffre déjà inquiétant à lui seul, la population adolescente concernée par l’enfermement est bien plus importante : il faut y ajouter le chiffre « gris » des jeunes majeur.e.s incarcéré.e.s – statistique hélas inconnue – pour des faits commis pendant leur minorité, et qui subissent les conditions de détention des majeurs, sans prise en charge adaptée.

Cette inflation de l’incarcération trouve son prolongement dans l’enfermement dans les 52 centres éducatifs fermés, dont la nature prévaut sur l’éducatif, qu’elles que soient les intentions des professionnel.le.s y exerçant. Enfin, les mesures de probation – largement empreintes, aujourd’hui, de surveillance et de contrôle – prennent le pas sur les mesures éducatives, produisant mécaniquement des situations d’enfermement via la sanction du non respect des mesures. Entre 2005 et 2016, la part de contrôles judiciaires sur les mesures confiées à la Protection judiciaire de la jeunesse suite à la commission d’une infraction est en effet passée de 6,21% à 11,91%.
La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a été saisie d’une demande d’avis sur l’enfermement des mineurs. Cela témoigne de la prise de conscience de la ministre de la Justice, que nous avions à plusieurs reprises interpellée sur le sujet. Il est désormais urgent d’agir pour faire cesser cette situation.

Réorienter les moyens exorbitants dédiés aux lieux privatifs de liberté, dont les centres éducatifs fermés, vers les lieux destinés à l’accompagnement éducatif en milieu ouvert, dont les hébergements dits « classiques » et les services d’insertion, préférer les mesures éducatives aux mesures de probation, limiter voir supprimer la détention provisoire, renforcer la spécialisation des acteurs et actrices judiciaires sont autant de pistes à explorer pour remettre efficacement l’action éducative au cœur des prises en charge.

C’est pour raviver l’esprit de l’ordonnance de 1945, à proximité de sa date anniversaire que nous organisons un colloque les 9 et 10 février prochain à la Bourse du travail de Paris, revenant sur les mécanismes à l’œuvre dans les lieux d’enfermement, leurs effets spécifiques sur des adolescent.e.s et les implications sur le travail éducatif effectué avec ces jeunes.

Il ne s’agit pas, ici, de cultiver la nostalgie d’un texte qui, au gré des modifications y a perdu une partie de son essence, mais d’explorer des perspectives de nature à réhabiliter son objet même, contenu dans son préambule : la France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit d’en négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains.

 

Paris, le 2 février 2018

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