L'Entente Aisne-Oise s'adapte mais ne change pas de stratégie (08/12/2017)

La lutte des habitants de Savigny contre le projet de barrage sur l'Aisne a été un moment important pour notre territoire. Elle a constitué une prise de conscience locale et régionale des buts poursuivis par l'Entente Aisne-Oise. D'autres se sont aussi révoltés contre la vision de cet Établissement Public Territorial de Bassin (EPTB), chargé de la lutte contre les inondations dans les bassins de l'Aisne et de l'Oise. Sa stratégie repose prioritairement sur des barrages (ouvrages d’écrêtement des crues, comme ils disent) comme celui prévu à Savigny. Cette stratégie est vouée à l'échec en cas de crue majeure, ces retenues ne pouvant qu'éventuellement retarder ou écrêter une crue décennale. En cas d'une crue majeure (centennale), aucun barrage ne serait utile en face du volume d'eau et de la durée de la crue. Cette évidence a déjà été démontrée dans le bassin de la Seine. D'immenses barrages-réservoirs ont été créés (lac du Der-Chantecoq, lac de la Forêt d'Orient, ...), ils ont marqué leur limite lors des dernières inondations : une fois remplis au maximum, ce qui arrive fréquemment en fin d'hiver, ils ne sont plus d'aucune utilité. D'ailleurs, la région parisienne vient de réévaluer toutes les mesures nécessaires en cas de crue centennale : des secteurs entiers seraient submergés, et seules des actions ciblées localement auraient une utilité.

Pourtant l'Entente Aisne-Oise continue d'offrir ses offres de service. Son président déclare sur le site officiel de l'établissement : "Au nom de la solidarité de bassin, l’EPTB Oise-Aisne trouve ainsi toute sa légitimité à réaliser sur les bases d’une stratégie globale des ouvrages sur certains territoires moyennant l’indemnisation occasionnelle des dégâts aux cultures au profit de populations sinistrées distantes. " Cette pseudo-solidarité au profit des populations distantes sonne faux : l'Aisne déborde également dans notre secteur, mais le bon sens a empêché la multiplication des constructions en zone inondable. De plus comme nous venons de le montrer, la construction de plusieurs "petits" barrages ne mettrait pas à l'abri les populations de l'aval.

L'Entente Aisne-Oise est en demi-sommeil depuis quelque temps, du fait d'un transfert de compétence.

Comme son nom l'indique, elle est constituée de l'entente des départements traversés par les deux rivières. Or, les départements vont perdre la compétence "inondation" au profit des communautés de communes. L'Entente veut modifier ses statuts pour s'adapter à cette nouvelle donne et pour pouvoir poursuivre sa stratégie antérieure. Voici ce qui est noté sur le site officiel de l'Entente :

"La compétence GEMAPI de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations sera effective le 1er janvier prochain. L’Entente, qui agit historiquement sur le risque d’inondations, propose que les EPCI à fiscalité propre (communautés de communes, communautés d’agglomération et communautés urbaines) lui transfèrent la compétence PI de prévention des inondations.

Les départements, actuels membres de l’Entente, ont collectivement accepté un projet de statuts qui permet l’adhésion des EPCI à cet effet, et clarifie les compétences pour lesquelles les départements qui le souhaitent restent membres de l’Entente. En l’occurrence, les départements du Val d’Oise, de l’Oise, de l’Aisne, des Ardennes et de la Meuse ont choisi de rester pour assurer la mission socle des EPTB, l’animation et la concertation sur le grand cycle de l’eau. En option, ils peuvent aussi transférer la compétence de lutte contre le ruissellement et l’érosion des sols, en vue de compléter la “boîte à outils” de la prévention du risque d’inondation.

Les nouveaux statuts seront progressivement approuvés par les différents conseils départementaux d’ici la fin de l’année 2017 puis seront proposés aux 70 EPCI concernés en tout ou partie par le bassin de l’Oise."

La nouvelle loi qui devait rapprocher les décideurs du terrain pourrait donc ne rien changer, avec le même opérateur, la même stratégie et les mêmes personnes qui imposent leur vision de "spécialistes" aux élus de terrain. Ceux-ci n'ont ni le temps nécessaire, ni la formation spécifique pour opposer des arguments solides aux techniciens qui appliquent la vision qui leur semblent convenir. Le Président de l'Entente déclare (voir ci-dessus) que celle-ci a "toute la légitimité à réaliser sur les bases d’une stratégie globale des ouvrages sur certains territoires". Le problème est de savoir, au-delà de cette auto-proclamation, d'où l'Entente tire une telle légitimité, sur quelles bases réellement démocratiques et sur quelle validation de ses choix.

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Une réunion des responsables actuels de l'Entente, représentant les départements concernés. (Photo tirée du site de l'Entente Aisne-Oise).

 

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