"CitizenFour" : un documentaire exceptionnel sur l’histoire d’Edward Snowden (28/02/2015)

Communiqué d'Amnesty International

Presque deux ans se sont écoulés depuis les premières révélations de Snowden.

"CitizenFour", le documentaire réalisé par Laura Poitras, revient avec brio sur la tension des jours qui ont suivi la publication des premiers documents, durant lesquels le lanceur d’alerte est resté reclus dans sa chambre d’hôtel alors que la tempête éclatait. Dimanche 22 février, le film a reçu l’Oscar du meilleur film documentaire.


En juin 2013, Edward Snowden révélait, à la stupeur de tous, l’étendue scandaleuse des réseaux de surveillance gouvernementaux au niveau mondial. Les documents dévoilés à cette occasion ont permis de mettre au jour l’illégalité des pratiques employées par nos gouvernements dans leurs efforts de surveillance de masse : la collecte, le stockage et l’analyse des communications de millions de citoyens à travers le monde.

"Aujourd’hui chaque frontière que tu franchis, chaque achat que tu fais, chaque appel passé, chaque antenne-relais croisée, chaque ami, chaque site visité et chaque courriel rédigé sont entre les mains d'un système au pouvoir illimité, mais pas totalement sécurisé.  »

Le film de Laura Poitras dresse un réquisitoire aussi fouillé que terrifiant contre la surveillance de masse.

Cette journaliste et documentariste américaine a répondu en 2013 à l’appel d’un lanceur d’alerte se présentant sous le pseudonyme de Citizenfour.Derrière le jeune homme aux allures adolescentes se cache une personnalité incroyablement réfléchie et déterminée qui n’a pas hésité à bouleverser sa vie pour ouvrir le débat public sur les pratiques scandaleuses des services de renseignements.

Ce documentaire ne devrait avoir aucun mal à convaincre les plus sceptiques qu’il est grand temps d’encadrer ces pratiques dans un contexte légal bien défini.

Pour ceux qui hésitent encore à aller voir ce film, voici cinq raisons pour lesquelles il est capital de s’intéresser aux révélations d’Edward Snowden.
 

Avec la surveillance de masse, chaque citoyen est traité comme un criminel. Les documents révélés par Edward Snowden démontrent que toutes nos communications privées et toutes les traces numériques que nous pouvons laisser derrière nous peuvent être systématiquement collectées et analysées par des gouvernements peu scrupuleux. En procédant ainsi, ils contreviennent aux principes juridiques fondamentaux qui encadrent les pratiques de surveillance, à savoir qu’elle doit être ciblée, motivée par des preuves ou des éléments incriminants et ordonnée par une autorité parfaitement indépendante, telle qu’un juge. La surveillance de masse fait de chaque citoyen un criminel potentiel, le moindre détail de sa vie privée devenant suspicieux.

 

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La surveillance de masse ne permet pas de repérer les terroristes. Nous entendons nos politiciens réclamer sans cesse davantage de moyens pour les agences de renseignement, prétextant qu’elles pourront ainsi interpeller plus de terroristes. Rien ne démontre aujourd’hui que la surveillance de masse permette d’arriver à ce résultat. Avant les attentats de janvier 2015 en France, les services de renseignement avaient placé les auteurs des attaques sur des listes de surveillance, avant de les en retirer. Ce n’est pas en augmentant la quantité de données collectées que nous pourrons améliorer notre sécurité. Les gouvernements actuels collectent aujourd’hui des informations qu’ils n’auraient pas osé rêver obtenir il y a seulement dix ans. Il est temps de fixer des limites.

La surveillance de masse outrepasse nos droits fondamentaux. Nos gouvernements cherchent à nous imposer un choix qui n’en est pas un : la sécurité ou la liberté. Depuis des siècles, les sociétés ont dû trouver un équilibre entre ces deux notions et ont mis en place des règles strictes visant à protéger leurs citoyens, notamment la présomption d’innocence et la protection de la vie privée. Cela signifie que les gouvernements doivent disposer d’éléments incriminants avant de restreindre les libertés de quiconque. Il s’agit de concepts fondamentaux dont les partisans de la surveillance de masse souhaitent s’affranchir.

La surveillance de masse peut être utilisée pour côntroler ce que nous faisons.  « Si tu n’as rien à te reprocher, tu n’as rien à cacher » : cette affirmation trop souvent entendue revient à accorder une très grande confiance à nos dirigeants et à supposer qu’ils feront toujours les bons choix. Quand un gouvernement s’octroie un droit de regard sur la vie privée de ses citoyens, et ce à tout moment il s’otorgue un pouvoir immense, qui peut mener à des abus considérables. Nous savons que les données personnelles peuvent être utilisées pour cibler des journalistes, persécuter des militants, pratiquer la discrimination et le profilage des minorités et museler la liberté d’expression. À chacun aujourd’hui de se demander : « Je ne suis pas concerné, mais est-ce le cas de tous ? », « Aujourd’hui il n’y a pas d’abus, mais qu’en sera-t-il demain ? ».

La surveillance de masse menace la liberté d’expression sur Internet. À ses débuts, Internet était considéré comme un espace où il était possible de débattre ouvertement. Cette vision est aujourd’hui mise à mal. Les gouvernements voudraient nous convaincre que nos droits s’arrêtent dès que nous sommes sur Internet. Ils voudraient nous faire croire que dès que nous utilisons notre téléphone ou que nous consultons nos courriels, tout ce que nous pouvons dire ou faire leur appartient. Ces pratiques nous seraient absolument intolérables dans notre vie  quotidienne « réelle », il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement pour notre vie numérique.

 

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