Délinquants de la solidarité : Lettre ouverte à Eric Besson (12/05/2009)

Le courrier de réponse des organisations engagées dans les rassemblements des « délinquants solidaires » adressé le 11 mai à Eric Besson, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale, et du développement solidaire.

 

Monsieur le Ministre,

Vous avez envoyé un courrier très critique à nos organisations engagées dans les rassemblements de « délinquants solidaires » du 8 avril, ensans-papiers.jpg considérant que nous avions procédé à des affirmations infondées.

Vous savez combien l’action de nos associations, largement soutenue par les Français, est essentielle pour la dignité des personnes, quelles que soient leur condition et situation administrative. Aussi, le mode de relation agressif que vous semblez vouloir instaurer avec les associations qui interviennent sur les questions de précarité nous paraît préoccupant.

Vous nous avez dit que vous n’aviez pas d’autre objectif que la lutte contre les filières de passeurs et l’exploitation d’une misère qui s’est mondialisée. Pourtant, nous persistons à affirmer que la rédaction de l’article L 622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers est en contradiction avec vos dires, en ce qu’elle ne distingue nullement entre les passeurs qui exploitent la détresse des migrants, et les citoyens agissant par humanité et pour la défense des droits fondamentaux, que vous avez choisi d’appeler indifféremment « aidants ».

De même, l’article L 622-4 du même code ne met pas à l’abri de l’incrimination les citoyens, particuliers et associations car ce texte ne permet l’aide que dans les situations extrêmes, les cas de danger de mort etc., situations rarement atteintes lorsque les secours sont de nourriture, d’habillement, d’hébergement …

Vous savez fort bien que des actions judiciaires ont été engagées ces derniers temps, à l’encontre de militants de causes humanitaires au seul motif qu’ils avaient porté secours à des personnes sans papiers. Vous ne pouvez ignorer, en tant que ministre en charge de ces sujets, que des salariés de structures d’accueil associatives pratiquant pour des personnes en grande difficulté l’accueil inconditionnel, que le Président de la République avait qualifié de principe intangible, sont aujourd’hui l’objet de poursuites.

Vous n’ignorez pas non plus les nombreuses interpellations, mises en garde à vue de simples citoyens pour des actes de simple secours à des personnes démunies, au seul motif que ces personnes sont sans papiers.

Vous n’ignorez pas enfin que des condamnations ont été prononcées sur le fondement de l’article L 622-1 à l’encontre de personnes qui se sont contentées d’accueillir, accompagner, héberger pour des motifs de simple solidarité humaine, des personnes sans papiers en situation de détresse.

1370706718.jpgContrairement à vos dénégations répétées, l’article L 622-1 du CESEDA permet aux parquets d’engager des poursuites contre des « délinquants de la solidarité ». Nous observons d’ailleurs que votre gouvernement n’a jamais fait connaître aux parquets son interprétation restrictive des textes, comme c’est pourtant l’usage, par la voix du garde des sceaux.

Même quand les poursuites ne se terminent pas par une condamnation, le mal est fait, l’intimidation crée des dégâts, engendre des traumatismes et des réflexes de peur d’être poursuivi, destinés à prévenir et empêcher toute aide aux personnes sans papiers. C’est ce que nous dénonçons, c’est ce que vous défendez, en refusant de changer la loi.

Nous demandons, pour mettre un terme à la confusion, que la loi soit mise en conformité avec la directive européenne qui distingue entre ceux que motive la solidarité humaine et ceux qui exploitent l’inhumanité du sort réservé aux sans papiers.

C’est une erreur de penser que l’on dissuadera des populations de venir en France ou de passer par la France pour aller en Angleterre, en montrant qu’on fait la chasse à ceux qui leur apportent ponctuellement des secours. Leur détermination va bien au-delà de cette « démonstration ».

En espérant que la vérité des faits aura été entendue et comprise, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à nos sincères salutations.

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