Écologie : en Afrique, l’arbre ne cache plus la forêt (12/08/2023)
Publié par le CADTM le 27.07.2023, article signé par Paul Martial
L’Afrique, comme d’autres continents, fait face au rétrécissement de sa couverture forestière, fruit de l’extension de l’agriculture d’exportation et de la coupe de bois, le plus souvent illicite.
Les forêts africaines sont menacées sous l’effet de l’accélération de la marchandisation des terres sur le continent. Si, souvent, on se focalise sur la forêt équatoriale de l’Afrique centrale, la forêt sèche située en dessous de la bande sahélo-saharienne et dans une grande partie de l’Afrique australe, connaît une crise encore plus grave.
Les forêts africaines en danger
Pendant la colonisation, les forêts ont été exploitées sous la forme juridique de concessions. Un système où l’État colonial transférait l’ensemble de ses prérogatives à des entreprises privées. Ces dernières ont installé des cultures d’exportation comme le cacao, le café, le caoutchouc, l’huile de palme, etc., au détriment des forêts. Lors des indépendances des pays africains ce type d’économie agricole a perduré.
C’est ainsi que, pendant des décennies, le massif forestier a été décimées. La Côte d’Ivoire est un exemple significatif. De 1900 à 2021, le pays a perdu 80 % de sa surface forestière au profit notamment de l’agriculture d’exportation du cacao.
Les forêts en Afrique sont, comme celle d’Amazonie, un formidable piège à carbone. Celle du Congo en stocke 50 milliards de tonnes. Elles participent à la régulation du climat et hébergent de nombreuses espèces de la flore et de la faune. Elles sont aussi, pour près de 100 millions de personnes, une source directe ou indirecte de subsistance tant pour l’alimentation et la santé que les matériaux de construction.
Un trafic illicite et lucratif
Chaque année, près de quatre millions d’hectares de forêt disparaissent en Afrique, résultat d’une financiarisation des forêts. Celle-ci se traduit par des politiques d’accaparement des terres au profit des grandes multinationales avec la complicité des dirigeants des pays africains. Le but étant de développer l’agriculture d’exportation ou les exploitations minières.
L’autre facteur d’aggravation de la déforestation est le commerce du bois. Du fait d’une demande très forte du marché asiatique, l’exploitation forestière illégale a explosé. Elle représente une perte de 17 milliards de dollars pour le continent. Par exemple en Ouganda le bois issu de coupe illégale représente 80 % du volume total.
Un tel trafic ne peut se mettre en place sans la complicité de politiciens ou de hauts fonctionnaires. En 2019 c’est le ministre gabonais des Forêts, Guy-Bertrand Mapangou, qui était impliqué dans un trafic de kevazingo, un bois précieux. En Zambie ce sont les proches de l’ancien président Edgar Lungu qui ont été éclaboussés par une affaire similaire.
Sous la pression internationale, les gouvernements africains concernés ont mis en place des dispositifs juridiques visant à protéger les massifs forestiers. Mais les résultats sont maigres, d’abord par manque de moyens mais aussi à cause de la corruption.
Une telle politique pousse les communautés forestières à s’adonner elles aussi à ce trafic, préférant bénéficier de la manne financière plutôt que d’être de simples spectatrices. La précarité foncière dans lesquelles vivent les communautés ne les encourage pas à une pratique des activités durables dans les forêts. Comme le dénonce un dirigeant communautaire : « Les entreprises arrivent, elles exploitent des parcelles de nos forêts sans nous consulter, et lorsque nous protestons, elles sortent un document officiel indiquant qu’elles sont autorisées à le faire. Nous restons là, impuissants. » [1]
Le meilleur moyen pour protéger les forêts est qu’elles demeurent sous le contrôle des communautés. Cela implique une sécurisation de leurs titres fonciers et le respect de leur mode de vie. Comme l’indique une dirigeante autochtone : « Nous vivons dans la forêt depuis des millénaires et l’avons toujours exploitée de manière durable. » Effectivement, les inventaires pratiqués montrent que les ressources sont préservées, fruit de ce que les scientifiques nomment la conservation conviviale. C’est-à-dire une relation harmonieuse entre nature et êtres humains, à mille lieux de la surexploitation et du pillage des ressources forestières qui prévalent actuellement.
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