Autopsie et leçons de « l’accueil » à la française (28/11/2022)

La sagesse, comme la simple humanité, aurait dû conduire à offrir aux rescapés de l’Ocean Viking des conditions d’accueil propres à leur permettre de se reposer de leurs épreuves et d’envisager dans le calme leur avenir. Au contraire, outre qu’elle a prolongé les souffrances qu’ils avaient subies, la précipitation des autorités à mettre en place un dispositif exceptionnel de détention a été la source d’une multitude de dysfonctionnements, d’illégalités et de violations des droits : un résultat dont personne ne sort gagnant.

Dix jours à peine après le débarquement à Toulon des 234 rescapé.es de l’Ocean Viking - et malgré les annonces du ministre de l’intérieur affirmant que toutes les personnes non admises à demander l’asile en France seraient expulsées et les deux tiers des autres « relocalisées » dans d’autres pays de l’Union européenne - il apparaît qu’à l’exception de quatre d’entre elles, toutes sont désormais présentes et libres de circuler sur le territoire français, y compris celles qui n’avaient pas été autorisées à y accéder. Ce bilan, qui constitue à l’évidence un camouflet pour le gouvernement, met en évidence une autre réalité : le sinistre système des « zones d’attente », qui implique d’enfermer systématiquement toutes les personnes qui se présentent aux frontières en demandant protection à la France, est intrinsèquement porteur de violations des droits humains. Depuis 2016, la principale association pouvant accéder aux zones d’attente, l’Anafé, le rappelle : « il est illusoire de penser pouvoir [y] enfermer des personnes dans le respect de leurs droits et de leur dignité ». Ce qui s’est passé dans la zone d’attente créée à Toulon en est la démonstration implacable.

Pour évaluer a posteriori la gestion à la fois calamiteuse et honteuse du débarquement des naufragé.es sauvé.es par le navire de SOS Méditerranée, il faut rembobiner le film :

« Tout ça pour ça » : après avoir choisi la posture du gardien implacable de nos frontières qu’un instant de faiblesse humanitaire ne détourne pas de son cap, le gouvernement doit maintenant assumer d’avoir attenté à la dignité de ceux qu’il prétendait sauver et aggravé encore le sort qu’ils avaient subi. Il faudra bien qu’il tire les leçons de ce fiasco : la gestion policière et judiciaire de l’accueil qu’implique le placement en zone d’attente se révélant radicalement incompatible avec le respect des obligations internationales de la France, il n’y a pas d’autre solution - sauf à rejeter à la mer les prochains contingents d’hommes,de femmes et d’enfants en quête de protection - que de renoncer à toute forme d’enfermement à la frontière.


Signataires :

- Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE)
- Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé)
- Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour (Ardhis)
- La Cimade
- Groupe d’information et de soutien des immigré.es (Gisti)
- Ligue des droits de l’Homme (LDH)
- Syndicat des avocats de France (SAF)
- Syndicat de la magistrature (SM)

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Photo Fabien Mondl/SOS Med

20:04 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ocean viking, réfugiés, zone d’attente, droits de l'homme | |  Facebook | |  Imprimer |