Une troublante épidémie de schizophrénie frappe nos responsables socialistes. Aucun d’entre eux ne juge positivement le traité budgétaire européen. Ce texte, imaginé par Angela Merkel avec la complicité active de Nicolas Sarkozy, « crée les conditions d’une crise économique durable », analysait François Hollande lors de sa campagne. Un traité qui met également en place des politiques automatiques intangibles les soustrayant à toute délibération démocratique. C’est pourtant ce texte que le gouvernement veut faire ratifier. Dès la semaine prochaine, à l’Assemblée nationale. Pour ce faire, conscient de la difficulté à faire accepter par sa majorité un texte indéfendable dont le chef de l’État n’est pas parvenu à modifier une virgule, le Premier ministre a tenté de faire passer l’idée que François Hollande avait obtenu fin juin, au Conseil européen, de quoi rééquilibrer les effets récessifs du traité : un pacte de croissance de 120 milliards d’euros, la promesse d’instaurer une taxe sur les transactions financières, et la supervision bancaire. Il s’agit, nous explique-t-on, d’approuver non plus un texte seul mais « un paquet », afin de soutenir le président de la République et ce qu’Élisabeth Guigou appelle « un début d’un commencement de réorientation de l’Europe ».
Le subterfuge n’a guère convaincu au-delà des socialistes. Et encore, pas tous. Samedi, fait inédit, le conseil fédéral d’EELV a voté à 70 % contre la ratification du traité budgétaire, sur les implications duquel le Front de gauche alerte depuis l’origine. Confronté à une hostilité grandissante – la manifestation de dimanche devrait en donner un aperçu –, Jean-Marc Ayrault abat ses dernières cartes. « La seule alternative est une sortie de l’euro », un rejet du traité ouvrirait une crise en Europe, soutient-il en adaptant l’argument – moi ou le chaos – de ceux qui n’en ont plus. « La question démocratique », dont il admet qu’elle entretient la méfiance vis-à-vis de l’Europe, « est au cœur de l’étape suivante. On ne fera pas une avancée de plus sans démocratie supplémentaire », promet-il dans un entretien à Mediapart. L’Europe sociale aussi, il ne peut pas ne pas s’en souvenir, devait advenir après Maastricht.