Mayotte : construire un"mur" autour de l'île (08/12/2009)

Les récentes manifestations à Mayotte contre la vie chère ont abouti à des violences avec blesés graves.

 

Il aura fallu que parmi ces blessés se trouvent des gendarmes mobiles (de l'escadron de Vouziers) pour qu'un petit coup de projecteur soit mis sur l'île.

Pourtant l'archipel des Comores connaît de manière régulière des drames, qui aboutissent très souvent à des décès d'hommes, de femmes ou d'enfants.

 

img-3-small485.png

Il ne faut pas oublier que Mayotte fait partie de l'archipel des Comores, et que son intégration à la France est artificielle . L'ONU a condamné cette partition de l'archipel, dont la plupart des îles forment un état indépendant et une est amenée à devenir un département français.

En dehors même de principes de droit international, cette situation est ingérable. Des familles se trouvent séparées, d'autant que la présence française crée un déséquilibre majeur sur le plan économique : comment imaginer construire un petit exemplaire du modèle social français au voisinage. d'une communauté où règne la plus grande misère.

Alors on parle d'immigration sauvage, de Comoriens qui "envahissent" une île des Comores. Et la solution trouvée par le gouvernement français est de construire un"mur", autour de l'île de Mayotte, d'ériger une barrière infranchissable. Les Comoriens se heurtent à ce barrage, et des dizaines de personnes meurent noyées.

Un collectif local, appuyé par des associations nationales, dénonce cette situation.

 

Communiqué interassociatif


Mardi 24 novembre, un pécheur repérait onze rescapés après le naufrage, plus de 36 heures avant, d’un « kwassa », petite embarcation utilisée pour transporter les migrants d’Anjouan vers Mayotte. A bout de force, vingt-et-un auraient coulé. Les survivants décrivent la noyade d’au moins cinq enfants dont un nourrisson de 4 mois [1].


Nos associations ont retracé quelques itinéraires de vie des passagers. Ont notamment été relevés :
- parmi les décédés, une femme vivant depuis 19 ans sur le territoire français, mère de six enfants dont l’ainée a 18 ans, tous nés et scolarisés à Mayotte. Cette femme avait fait l’objet d’une reconduite à la frontière il y a trois semaines en dépit d’une situation familiale relevant d’un titre de séjour régulier.
- parmi les survivants, le père d’un enfant de 10 ans gravement malade. Cet enfant, régulièrement suivi par le Centre hospitalier de Mayotte, est en voie d’évacuation sanitaire à la Réunion. La demande de renouvellement de titre de séjour du père était en cours depuis février 2009. Malgré cela, il a été reconduit au mois de septembre dernier sans avoir pu contester le bien fondé de cette mesure.

Il s’agit de deux exemples parmi bien d’autres de cas rangés dans la catégorie de l’« immigration clandestine » fustigée par les rapports officiels en méconnaissance totale des réalités de l’archipel des Comores et des attaches multiples qui relient à Mayotte ces « non Mahorais » [2]. C’est contre eux que la France livre une guerre sans merci.

Dans son communiqué du 26 novembre, le ministre de l’Immigration en décrit le dispositif : un système de visa biométrique, une brigade 1589212808.jpgmobile de recherche de la police aux frontières chargée spécifiquement de la lutte contre les filières en provenance des Comores, trois radars bientôt quatre sur les côtes de Mayotte, des vedettes de la police aux frontières, de la gendarmerie, et de la douane qui patrouillent en permanence dans la zone ; depuis le début de l’année, 258 embarcations interceptées, 17 555 étrangers en situation irrégulière reconduits aux Comores. Ces moyens exceptionnels sont d’autant plus efficaces qu’une législation dérogatoire prive les personnes interpellées de tout recours effectif [3]. Il s’agit bien d’un déploiement sécuritaire exceptionnel afin d’isoler une île de moins de 200 000 habitants de l’archipel dans lequel elle est insérée.

Partout dans le monde se dressent, sous des formes diverses, des murs contre les migrants. Aucun de ces murs n’empêche les migrations. Tous sont causes de morts et d’enrichissement de passeurs peu scrupuleux. Partout, ces guerres contre les migrants cherchent leur légitimation dans une indignation supposée vertueuse contre les filières clandestines, qui inciteraient les gens à prendre la mer contre des prix très élevés et leur feraient ainsi courir des risques insensés.

Mais nulle part autant qu’à Mayotte, la folie et la violence d’une politique sécuritaire coupant une petite île de son milieu à la fois naturel et historique doivent être dénoncées. Et, à Mayotte autant qu’ailleurs, la « grande émotion devant ce nouveau drame » issu de la politique gouvernementale relève d’un cynisme glacial.

Mamoudzou, Paris - 2 décembre 2009

Signataires :

A Mayotte
- Collectif Migrants Mayotte : CCCP (coordination pour la concorde, la convivialité et la paix), Cimade (groupe de Mayotte), Médecins du Monde (mission de Mayotte), Resfim (réseau éducation sans frontières, île de Mayotte)
- Secours Catholique (délégation Mayotte), LDH (section Mayotte), Solidarité Mayotte

Cimade, Gisti, LDH, Mrap, Secours catholique

17:48 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mayotte, immigration | |  Facebook | |  Imprimer |