Relance de la petite hydraulique : une annonce irresponsable (09/05/2016)
Communiqué de la FNE
Alors que le projet de loi de reconquête de la biodiversité devrait être adopté avant l’été par le parlement, la ministre de l’Environnement vient d’annoncer, en clôture de la conférence environnementale 2016 la construction de plus d’une centaine de petites centrales hydroélectriques.
Le flot ininterrompu de ces aménagements qui accable les cours d’eau depuis les années 1950, a conduit aujourd’hui à une implantation de près de 2000 unités à tel point qu’il n’existe pratiquement plus de rivière proche de l’état naturel dans notre pays, situation qui ne pourra qu’être aggravée par la vague annoncée.
C’est une décision catastrophique pour l’état des fleuves, rivières, et ruisseaux, et démagogique dans la mesure où l’énergie électrique qui serait produite, serait tellement faible que son impact sur les changements climatiques ne peut être que dérisoire.
Mais c’est aussi une décision incohérente car le changement climatique va réduire la production de ces petites unités, directement impactées par la diminution globale de la pluviométrie, l’allongement des étiages, et l’accroissement de la variabilité du débit des cours d’eau, dont la température s’élèvera.
Autant de facteurs défavorables qui se répercuteront sur la qualité de l’eau, sur le bon état de la biodiversité, et auxquels viendront s’ajouter les pertes de continuité occasionnées par ces nouveaux barrages qui vont limiter, voire supprimer, l’indispensable mobilité des espèces, cruciale pour leur adaptation à la dérive climatique.
Autre tare : ces petites installations hydroélectriques seront situées prioritairement en zones de montagne où l’on trouve, selon les critères de la Directive Cadre sur l’Eau, le peu de cours d’eau en « très bon état » qui subsistent, mais aussi les plus fragiles face au changement climatique : elles vont être bien mal barrées…ces rivières !
Les pressions qui pèsent sur les cours d’eau et les menacent directement sont principalement la pollution diffuse, en majorité d’origine agricole (nitrates, phosphore, pesticides) et l’artificialisation du cours des rivières (prélèvements, réduction des débits, endiguement,) en particulier les ruptures de continuité écologiques induites par la présence de quelques 80 000 ouvrages de toute nature (canalisation, barrage et seuils).
La décision délibérée de la ministre menace directement l’atteinte du « bon état » des cours d’eau ; objectif assigné par la directive cadre européenne sur l’eau, alors même que notre pays accuse un retard préoccupant en la matière par rapport aux objectifs du Grenelle de l’environnement.
FNE et la FNPF regrettent cette décision irresponsable, prise pour satisfaire l’intérêt financier d’un lobby bien identifié qui s’agite dans tous les sens, et au détriment de l’environnement naturel de tous.
Jacques Pulou responsable de la politique de l’eau de la FRAPNA, et vice-Président du Comité de Bassin Rhône Méditerranée fait remarquer : « le niveau de rentabilité exceptionnelle de ces opérations pour quelques investisseurs est acquis au prix d’une contribution financière publique massive au travers d’un prix d’achat garanti complètement artificiel et déconnecté du prix du marché, ce qui rend la position économique de ces opérations particulièrement fragile. Rien ne justifie cette contribution financière publique pour une technologie inventée pour l’essentiel bien avant la dernière guerre mondiale et dont l’exploitation automatisée n’a qu’un très faible contenu en emplois. Ces fonds seraient mieux utilisés dans les efforts d’économies d’énergie. En ces temps de disette budgétaire on attendait mieux de la Ministre ! »
Pour Bernard Rousseau responsable des politiques eaux de FNE, et administrateur de l’ONEMA : « l’avenir du parc hydraulique français se situe bien évidement dans sa meilleure insertion environnementale y compris par l’élimination d’unités obsolètes comme sur la Sélune, mais aussi dans son adaptation à l’injection massive d’électricité issue des sources renouvelables variables (éolien et photovoltaïque en particulier) dont le potentiel de croissance est porteur d’avenir.»
Pour Claude Roustan, Président de la FNPF, « Ces annonces sont inopportunes à l’heure du vote de la loi de reconquête de la biodiversité et affecteront de manière irréversible l’état de notre patrimoine commun. Depuis l’arrêt du processus d’enlèvement des barrages de la Sélune, ce ministère arbitre contre l’intérêt général et notre patrimoine naturel ».
Ils rappellent que leurs fédérations sont favorables aux investissements qui sont complémentaires du développement des énergies renouvelables et variables : comme ceux récemment engagés par EDF sur les concessions hydroélectriques de La Bathie-Roselend, la Coche en Savoie, le Cheylas et Gavet en Isère, qui, pour un bilan environnemental positif, apporteront un supplément de 370 GWH dont 225 GWH de productible net hors pompage équivalent à plusieurs centaines de microcentrales et 168 MW de puissance de pointe indispensable à l’augmentation de la part d’électricité renouvelable : quand on prétend faire de l’hydroélectricité, il faut le faire sérieusement, et pas avec des moulinettes sur des ruisseaux !
Cette décision de la ministre est contraire à ce qu’il faut faire pour les énergies renouvelables : un ministre peut subir la pression des lobbies mais sa liberté, et sa responsabilité, c’est aussi de prendre en compte l’avis des lanceurs d’alertes !
Multiplier la petite hydraulique, une bonne ou une mauvaise idée ?
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Commentaires
J'ai du mal à comprendre les reproches qui sont faits à la petite hydroélectricité par des associations écologistes.
La majorité des seuils ont été construits depuis le moyen age.
Il y avait dans les Ardennes près de 900 moulins à eau en activité dans les années 1870.
A cette même époque, il y avait des pécheurs professionnels dans le Vouzinois. Ces moulins à eau étaient ils si gênants pour les poissons ?
Avec l'industrialisation et le charbon, la grande majorité de ces installations a été abandonnée. Est-ce pour cela qu'il y a plus de poissons aujourd'hui ?
La réhabilitation de ces sites donnerait un sens à la sauvegarde de ce patrimoine tout en produisant une énergie verte décentralisée. De plus, contrairement à l'éolien et au photovoltaique, les installations pourvues d'un étang en amont pourraient produire à la demande et donc répondre aux pics de consommations électriques.
Concrètement, à Vouziers, le moulin Saint Paul est aujourd'hui à l'abandon. Son seuil pourrait produire plus de 200 kW 24H sur 24. Sa rénovation permettrait de donner une seconde vie à ce beau bâtiment.
Il y a aujourd'hui des dizaines de sites de ce type dans les Ardennes.
Aujourd'hui, l'état via les études de l'ONEMA et l'agence de l'eau finance à 100 % la destruction de ces ouvrages. Ne serait il pas plus judicieux d’allouer la même somme pour faire des rénovations faites dans le respect de l'environnement comme nos voisins belges ?
Préfère-t-on avoir des rivières à « l'état naturel » bordées de centrales nucléaires ou des rivières partiellement canalisées comme l'Aisne aujourd'hui qui participent à petite échelle à la transition énergétique ?
Écrit par : Jacques Braquet | 12/05/2016
La décentralisation de la production énergétique.
Je partage l'avis de Jacques Braquet.Je pense que la production d'électricité doit être "de proximité", lisible, gérable et contrôlable par les citoyens. Les micro centrales hydroélectriques n'interdisent pas la continuité écologique des ruisseaux et rivières. Si les saumons ne remontent plus, ni la Meuse ni la Semoy, c'est surement pas à cause de l'implantation des moulins! Et puis, en fin de compte, il faut tout de même , consentir si nécessaire, des compromis acceptables pour avancer!
Écrit par : Michel Coistia | 13/05/2016
La France, 5 éme puissance mondiale c'est construite à la force de hydraulique. Il y a encore moins de 100 ans nos anciens utilisaient la force de l'eau partout et notamment en Ardennes. Avec le déploiement de l'électrification ils ont transformés leurs installations pour produire du courant. Il faut remettre en fonctionnement toutes ces centrales qui ont été abandonnées.
Allez les élus un peu de courage et mettez vous au boulot, plutôt que de nous mettre des éoliennes partout.
Écrit par : LEBE | 19/05/2016
Du temps de l'émergence des grands mouvements écologistes animés, par exemple, par Dumont, Waechter, Lalonde, Mamère, Voynet et beaucoup d'autres, il y a vingt à quarante ans, la capture de l'énergie solaire en directe par les éoliennes grâce aux vents, était recommandée largement.
Si l'on prend toutes les mesures prudentes en les installant, pourquoi maintenant s'en priver ?
Daniel
Écrit par : Doyen | 19/05/2016
Les éoliennes est une fausse bonne idée, ça ne produit pas grand chose à part de l'argent pour les entreprise étrangères qui les produisent et les installent.
La productivité des installations hydroélectriques est de 87% en France alors que l'éolien est de 23%, quand au photovoltaïque c'est 13%.
Écrit par : LEBE | 20/05/2016
Ces chiffres ne sont sans doute pas contestables. Ceci me rappelle que le pourcentage d'énergie solaire captée par les plantes grâce à la photosynthèse est incroyablement petit, selon mes souvenirs, mais cela suffit largement pour nourrir l'humanité.
D'ailleurs, la nature est, en apparence, gaspilleuse. Elle produit à foison, par exemple en graines, réservoirs d'énergie, et celles qui germent sont en définitive rares. Et pourtant, on voit une nature d'une abondance et d'une diversité inouïes.
Daniel
Écrit par : Doyen | 20/05/2016
Ce n'est pas une raison pour copier la nature au point d'avoir des moulins à vent juste pour faire croire aux écolos que l'état fait ce qu'il faut pour obtenir les résolutions de la cop21. C'est une fausse route, faisons d'abords des économies d'énergie, la voiture à 1.5l ,l'isolation des bâtiments, les éclairages Led , rien que cela ce serait l'excellence des actions.
Écrit par : Ponpon | 21/05/2016
Je voudrais revenir sur ce que vous écrivez, Mr LEBE.
Les entreprises étrangères. D'accord. Mais alors pourquoi notre industrie s'intéresse si peu à ces matériels ?
Deuxièmement. Les pourcentages d'efficacité énergétique des différentes installations. Le cas des éoliennes donne 23%. Je pense que cela signifie que sur mille calories qui rôdent autour de l'éolienne, 230 seulement sont utilisables. Sachant que l'énergie est quasiment inépuisable car le soleil ne devrait s'éteindre que dans 4 milliards d'années, même un petit pourcentage peut avoir un intérêt considérable pour l'homme.
Ce qui compte, me semble-t-il, c'est le coût d'obtention de cette énergie utile. La réflexion pour le choix du type d'installation doit tenir compte de ce critère et aussi de l'important critère environnemental.
Daniel
Écrit par : Doyen | 21/05/2016