Leucémies et centrales nucléaires : que dit l'étude de l'INSERM ? (13/01/2012)
La publication d'une étude de chercheurs sur le nombre de cas de leucémies chez les enfants qui vivent près des centrales nucléaires a fait naître de nombreux commentaires.
Cette étude a été menée par une équipe de l'INSERM, et peut être considérée comme sérieuse car ni la façon dont elle a été réalisée ni ses résultats ne sont contestés, que ce soit par les pro ou les anti-nucléaires.
Les résultats ont été publiés en anglais (voir ici), et sont donc assez difficiles à étudier, d'autant qu'il ne s'agit pas d'un article "grand public".( voir la note de l'INSERM)
Ce qui fait que beaucoup de commentaires se basent sur la dépêche de l'AFP, qui ne reprend qu'une partie du document.
Une première lecture rapide du texte original fait apparaître que les gros titres de la presse ne reflètent pas l'essentiel des conclusions des auteurs du travail.
La vision que l'on a, au survol des articles de presse et des commentaires, est une augmentation des leucémies, liée aux centrales nucléaires.
En fait, si l'on considère cette étude comme valable, il faut voir ce qu'elle décrit vraiment.
- Pour la période 1990-2007 qui est celle de l'étude, il n'y a pas d'augmentation des cas de leucémies près des centrales (24 cas observés, alors que dans population comparable on devrait en trouver 21 , différence trop faible pour avoir un sens).
- Cette durée a été scindée , pour étudier deux périodes :
-2002-2007 où il y a une augmentation
( 14 cas observés pour 7,4 attendus)
-1990-2001 où il y a une diminution
( 10 cas observés pour 13,6 attendus)
L'augmentation du nombre de leucémies ne porte donc que sur une faible partie de l'étude (6 ans sur 17 ). Le nombre de cas (peu élevé) ne peut pas donner une forte certitude dans l'analyse statistique.
En dehors des chiffres, les auteurs donnent leur avis sur les causes de l'augmentation des cas constatés entre 2002 et 2006. Pour eux, cette hausse n'est pas reliée aux rejets des centrales et ce pour plusieurs raisons:
- Ils considèrent que ces rejets sont trop faibles pour avoir une incidence réelle, en particulier en fonction de la radioactivité naturelle.
- Ils trouvent que les cas de leucémies près des centrales ne sont pas plus importants dans les zones où les rejets prédominent.
Les auteurs demandent donc des études complémentaires, car ils estiment que cette augmentation doit être confirmée par des études à plus grande échelle. Ils réfutent un lien entre les leucémies observées et le rejets des centrales nucléaires.
Cette étude pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. En particulier elle n'ajoute rien à la recherche des causes des leucémies, qui sont probablement multiples (génétiques, environnementales, infectieuses ?,...)
Elle ne remet pas en cause la dangerosité des centrales, en particulier en cas d'accident, et ne se penche pas sur le transports et le stockage des déchets. Elle porte sur une période de 17 ans, mais les effets génétiques des radiations peuvent apparaître bien au-delà.
Nous sommes en présence d'un sujet qui concerne les enfants, le nucléaire, les leucémies : cet ensemble est particulièrement sensible et se prête à des présentations où le sensationnel domine le rationnel. Il semble qu'il existe assez d'arguments solides (et récents ) pour combattre le nucléaire. Il n'est pas nécessaire de monter en épingle des données qui posent des questions, mais n'apportent pas d'arguments supplémentaires pour démontrer les dangers du nucléaire.
23:16 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : leucemie, centrales nucléaires | | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Etude épidémiologique
Je me souviens parfaitement de notre demande exprimée sans cesse au moment de la construction de la centrale Chooz B. Lancez, disions nous au Préfet des Ardennes, une étude épidémiologique, dès maintenant. Ce sera un formidable outil pour démontrer dans 20 ans que cette centrale ne représente pas un danger pour la population. Le Préfet mais aussi les plus hauts responsables d'Areva ont toujours refusé de mettre en oeuvre une telle étude. Cela leur a permis ensuite de nier tout lien de cause à effet entre l'augmentation des cancers de la thyroïde dans la pointe de Givet et la centrale.Et ils osaient alors déclarer "en l'absence d'une étude épidémiologique sérieuse aucune conclusion ne peut-être tirée quant aux causes de l'augmentation constatée des cancers de la thyroïde. L'an dernier à l'AG de Nature et Avenir j'ai interpellé Bérangère Poletti sur cette question. Elle a déclaré partager ma demande mais en même temps elle a reconnu qu'aucune étude épidémiologique n'était encore envisagée pour mesurer les éventuelles effets d'une centrale nucléaire sur la santé de la population environnante.Qui peut m'expliquer les raisons de ce refus obstiné?
Écrit par : coistia michel | 14/01/2012